Dimanche 18 février le père Bertrand a donné la 1ère conférence de carême sur la messe. Après une première partie sur quelques définitions il a rappelé les racines juives de la liturgie catholique. La prochaine conférence portera sur la liturgie de la parole le dimanche 25 février.
Pourquoi notre vocabulaire chrétien ne prend pas ses racines dans l’araméen mais dans les langues grecques et latines ? Les racines grecques et latines de notre vocabulaire chrétien sont directement liées aux conséquences de la grande révolte de Bar Kokhba (132-136 après. J.-C.). Ce fut la troisième et dernière guerre entre le peuple juif et l’Empire romain. Elle fit suite à une longue période de tensions et de violences, marquée par le premier soulèvement juif de 66-70 après J.-C., qui se termina par la destruction du Second Temple, et par la guerre de Kitos ou révolte des émigrés (115-117 après J.-C.). Pourtant cette dernière révolte eut des conséquences terribles. Hadrien alla jusqu’à changer définitivement le nom de la Judée en Palestine, effaçant ainsi son passé juif. La loi et les rituels juifs furent interdits pendant un certain temps et de nombreux chefs religieux juifs furent martyrisés. La majorité de la population juive fut tuée, morte de maladie ou de faim, ou vendue comme esclave même si de petites communautés juives continuaient d’exister, comme en Galilée. En conséquence, les centres restants de la vie culturelle et religieuse juive se trouvaient tous en dehors de la terre d’Israël. En effet, les Juifs étaient désormais un peuple apatride et devaient le rester jusqu’en 1948. Pour les judéo-chrétiens les conséquences furent aussi dramatiques car les romains ne faisaient pas la distinction entre eux et les juifs. Ils durent donc abandonner leur langue, l’araméen et leurs livres liturgiques. Et très rapidement, ce sont des évêques d’origine grecque qui vont diriger le diocèse de Jérusalem. Ils vont avoir tendance à passer sous silence les origines juives et malheureusement, à répandre la mauvaise graine de l’antisémitisme…
Quelques définitions
- La messe est le sacrifice de la Nouvelle Loi par lequel les chrétiens rendent à Dieu le culte suprême, en lui offrant le corps et le sang de Jésus Christ sous les espèces du pain et du vin, par le ministère des prêtres.
Le terme de messe provient du latin « missio » qui veut dire renvoi ! Jusqu’à peu de temps, les catéchumènes et les non-baptisés ne pouvaient pas assister à la partie oblationnelle du culte. On les renvoyait après la liturgie de la Parole. Ainsi, la partie à laquelle ils ne pouvaient pas assister a pris le nom du renvoi (ce qui est assez cocasse).
- Le mot Eucharistie vient aussi du grec. Cela signifie « rendre grâce ». Elle tient son origine des berakoth juives (bénédictions adressées à Dieu). Il y a les ‘’petites’’ berakoth qui rythment la journée et font d’elle une louange à Dieu constante. Il y a les ‘’grandes’’ berakoth du service synagogal et des repas.
- L’importance des rites :
« L’heure vient, et c’est maintenant, que les hommes adoreront le Père en esprit et en vérité ». Jn 4 :24
« Allez apprendre ce que signifie : je veux la miséricorde et non le sacrifice » Mt 9 :13
« Hypocrites ! Isaïe a bien prophétisé à votre sujet quand il a dit : Ce peuple m’honore des lèvres mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte » Mt 15 :6-9.
Les sacrifices ont toujours existé. Aujourd’hui le sacrifice demandé est d’abord intérieur ! Il doit se manifester extérieurement comme signe sensible de l’oblation intérieure de nous-mêmes que nous devons faire à notre Père comme à notre créateur ; puis pour le louer de tous ses bienfaits ; puis pour obtenir le pardon des péchés ; puis pour demander les secours nécessaires.
Jésus ne remet pas en cause les rites. Il va lui-même en instituer lors de son dernier repas. L’originalité du peuple hébreu est d’être le peuple d’un Dieu qui se révèle et qui explique la manière dont il veut être adoré. Les rites nous sont donnés par Dieu lui-même pour que nous nous approchions de Lui. Car Dieu est le Saint, le Tout-Autre et « un homme ne peut me voir et rester en vie » Ex 33 :20 ce qu’a bien compris Isaïe quand il contemple la vision de Dieu dans son Temple et qu’il s’exclame : « malheur à moi, je suis un homme perdu car je suis un homme aux lèvres impures et je vis au milieu d’un peuple aux lèvres impures » Is 6 :1-7.
Dans l’Exode, Dieu va donner ses recommandations très précises pour la construction de la Tente de la Rencontre et pour la façon dont les prêtres rendront un culte. Parce que le danger est toujours de nous approprier le culte. Dieu parle aux hommes avec leur propre langage, à travers une culture particulière pour se manifester à nous tout en restant le Dieu caché. C’est la logique du voilé-dévoilé dont nous reparlerons…
Les racines juives de la liturgie catholique
- Dans la tradition juive, il y a 3 lieux fondamentaux : le Temple, la synagogue et la maison. Le bâtiment église reprend des éléments des trois lieux du culte juif.
- Orientation : les synagogues sont orientées vers Jérusalem (lieu de la Shékinah, la présence) et les églises sont orientées vers l’Est où le soleil se lève – le Christ est lumière.
- A l’entrée de la synagogue : miqve (bassins de purification) / à l’entrée des églises : baptistère / bénitier.
- A l’entrée de la maison les juifs installent une Mezouza (Dt 6 :4-9 : « Ecoute Israël […] ces paroles, tu les inscriras à l’entrée de ta maison » / en entrant et en sortant de l’église le fidèle fait le signe de la Croix.
- Dans la synagogue, il existe des espaces séparés :
- Entre le parvis des femmes, des hommes, des prêtres et le « Débbir » (le Saint des Saints) dans le Temple.
- Dans les églises les chancels puis les barrières de communion marquaient la différence entre l’espace réservé aux prêtres et l’espace des fidèles. Il reste dans la plupart de nos églises une petite marche et des marques dans le sol…
- Il y a plusieurs autels dans un Temple (sacrifices, encens, pains, propitiatoire) / un autel dans l’église qui est le Christ.
- Dans la synagogue : téva (table où est déroulé le rouleau de la Torah) / dans l’église il y a un Ambon (pupitre de la lecture de la Parole de Dieu) – Table de la Parole (SC 6)
- Dans la synagogue : « aron ha quadosh » (armoire où sont conservés les rouleaux de la Torah) / dans chaque église il y a un tabernacle (tente, hutte)
- Dans le Temple, à l’entrée du saint des Saints, à côté de l’autel de l’encens : la Ménora est le chandelier de lumière et de feu, tel un buisson dont les sept branches sont rattachées au tronc central de l’arbre de vie) / dans une église au centre du cœur nous trouvons la Croix entourée de cierges : nouvel arbre de vie.
- Les vêtements liturgiques.La mission des vêtements liturgiques catholiques est de couvrir et de révéler.
- Un amict est un rectangle de toile fine muni de deux cordons qu’un prêtre catholique passe autour du cou avant de revêtir son aube. Il provient du talith, le châle de prière juif.
- L’aube blanche avec une ceinture (cf manger la Pâques la ceinture aux reins) trouve son origine dans les vêtements des prêtres et lévites servant au Temple qu’ils revêtaient après avoir quitté leurs vêtements profanes.
- L’étole, portée autour du cou par tous les officiants, a un statut particulier puisqu’elle est un insigne. Il s’agit d’un accessoire permettant de marquer distinctement la fonction du célébrant. L’étole rappelle la lourde charge qui pèse sur le clergé tout en étant le symbole de la grâce du Christ.
- La chasuble, (éphod vêtement très lourd porté par le grand prêtre) est le vêtement caractéristique des prêtres pendant la messe. Elle reprend la forme ample de la casula romaine, un grand manteau large laissant dépasser la tête.
- La tiare est utilisée pour exprimer solennellement le pouvoir spécifique du pape et est distincte de la mitre, insigne liturgique des évêques de l’Église latine. / tiares portées par les grands prêtres avec le pétalon (plaque d’or avec le tétragramme).